samedi 19 novembre 2016

18 novembre 2010, décès du grand A. Serfaty

Le 18 novembre 2010, décès du grand Abraham Serfaty.
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Je ne pourrai jamais oublier, mon camarade, mon ami, le plus grand communiste de l’Histoire du Maroc, Abraham Serfaty. Je n’insulte pas l’Histoire. 
Je laisse le soin aux bras-cassés et autres dénigreurs de faire le sale boulot.
           Ali Fkir, communiste républicain marocain.

Extrait de mon écrit « Le petit berger qui devint communiste »
« Le 10 juillet 1971, c’était un samedi, le jeune communiste était avec le militant Abraham Serfaty assis sur la falaise de la plage des nations entre Salé et Kénitra. Ils discutaient des tâches de l’organisation et surtout de ce qu’allait/devait faire le jeune au Gharb.
Kénitra était une ville industrielle. Kénitra était dans le temps la capitale du capitalisme agraire. Kénitra était la capitale de la résistance paysanne face aux grands propriétaires terriens dont des membres de la famille royale et autres prédateurs. L’ex berger, Zouhair et Z. M, nouvellement « injectés » dans la région avaient de lourdes responsabilités.
Vers 17h (ou 18h), Sertfaty et le jeune rentrèrent à Rabat, et pour aller au quartier Agdal, ils passèrent par le quartier Hassan, à 100 mètres des locaux de la radio et de la télévision. Leur attention fut attirée par la présence des centaines de jeunes soldats tout autour des bâtiments. Le jeune demanda à son camarde de laisser dans le coin.
 Le jeun se dirigea vers le lieu « militarisé ». Un palestinien, militant du FDLP, se détacha du groupe des badauds et vint prendre dans les bras le jeune communiste tout en criant : mabrouk camarade Ali, mabrouk la république ! Le jeune ne s’enflamme pas facilement dans ces situations. Il se détacha du militant palestinien et se dirigea vers les jeunes soldats. L’un d’eux pointa l’arme sur le jeune et ordonne : « n’approche pas ou je tire ! ». Le jeune demanda humblement : je voudrais savoir seulement ce qui se passe. Le soldat répondit : « vive la république ! Mais dégage ou je tire ».
Le petit prit un taxi et rentra à la cité universitaire. Il alluma la radio, et en tamazight le speaker répétait : il n’y a plus de monarchie…! Des cortèges de voitures passaient devant la cité : les klaxons fonctionnaient à fonds, les vives la république !, les filles « youyouaient »…c’était la fête. Les étudiants n’avaient pas à prendre de taxi ou de bus. Tout fut gratuit. Les étudiants voulaient aller au centre de Rabat. Devant la grande gare des manifestants détruisaient les grands portraits du roi, et les symboles de la fête du trône.
Le jeune trouvait cela trop beau pour être vrai. Il revint dans sa chambre alluma la radio. Il remarqua que la chaîne de Tanger était entre les mains des monarchistes. Le général Oufkir, le monarchiste, était le maître de la situation. Hassan II lui avait délégué tous les pouvoirs. Vers 20h, la cité fut encerclée par les loyalistes. Personne ne pouvait ni entrer, ni sortir. La chaîne de Rabat était toujours entre les mains des putschistes.
 Le 11 juillet 1971, au levé de soleil, le jeune se rendit au quartier Hassan où les jeunes soldats d’Ahrmemou résistaient toujours. Ababou, le cerveau du putsch, et leur chef adoré avait été abattu par les monarchistes. Ils étaient rares les badauds. Il y avait essentiellement des policiers en civil. Le jeune se faufilait entre les « civils ». Retranchés dans des bâtiments, les jeunes soldats résistaient. Les monarchistes tiraient sans sommation sur tout ce qui bougeait. Dans ce champ de bataille, le jeune, eut la surprise de retrouver Abdelhamid Amine, venu très tôt de Kénitra pour voir de près ce qui se passait, quelques minutes après, il retrouva Abdellatif Derkaoui. Les trois « s’ignorèrent ». Pas d’imprudence dans ces circonstances.
Vers l’après-midi du dimanche 11 juillet 1971, Hassan II et son entourage reprirent totalement le contrôle de la situation. Des officiels furent exécutés sans jugement aucun. Des centaines de jeunes soldats furent emprisonnés. Des dizaines d’autres auront connu le bagne de Tazmamarat. Moha Boutou, le prolétaire comme le surnommaient ses camarades à Ahermouma, ami de l’ex berger, ancien militant du PCM mourut dans des conditions inhumaines, le 1er mars 1978  à Tazmamart. Cellule 55. Il est natif de Gourrama à 50 km du bagne de Tazmamart et à 65 km de Beni tadjit. » (P117)   
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Voir l'extrait d’un texte écrit en 2004 par Abraham Serfaty dans le Monde (10 août 2004)
Abraham Serfaty, militant anticolonialiste marocain, est mort le 18 novembre 2010. Figure hors du commun de l’opposition, son itinéraire est emblématique de toute une génération. Né en 1926 dans une famille juive de Tanger, il adhère au PCF entre 1945 et 1949 (il est alors élève ingénieur aux Mines de Paris) et s’engage dans le combat pour l’indépendance de son pays. Il participe ensuite à la mise en place des nouvelles institutions. Il milite au sein du mouvement communiste marocain, mais rompt avec lui en 1970 et crée le mouvement Ilal Amam. Arrêté une première fois en 1972, il entre dans la clandestinité avant d’être à nouveau incarcéré en 1974. Il croupira pendant plus de quinze ans en prison, notamment à Kenitra, où il sera torturé. Devenu un des plus célèbres prisonniers marocains, il sera libéré en 1991, mais déchu de sa nationalité et expulsé du Maroc. Il ne sera autorisé à récupérer sa nationalité et à rentrer dans son pays qu’en 1999, après l’avènement sur le trône de Mohammed VI.
Militant anti-impérialiste, juif antisioniste, favorable à l’autodétermination des Sahraouis, soutenu avec constance par sa femme Christine Daure qui l’avait recueilli durant sa clandestinité, Abraham est resté jusqu’au bout fidèle à ses convictions.
Répondant à une tribune parue dans Le Monde ….  il écrit un texte intitulé « L’héritage de Hassan II » (10 août 2004) :
« Je voudrais prier le lecteur de ces lignes d’excuser l’indignation qui suit. Mais puis-je oublier mes camarades Abdellatif Zeroual et Amine Tahani, morts sous la torture ? Puis-je oublier Saïda Mnebhi, morte en grève de la faim ? Puis-je oublier tant de vies de mères combattantes, mortes épuisées par leur lutte pour leurs enfants emprisonnés, y compris la mienne, morte en avril 1982 ? Puis-je oublier les 33 morts dans les cachots de Tazmamart avant que, grâce à la lutte de Christine Daure, les portes du bagne s’ouvrent sur les 28 survivants ?
On ne peut pas oublier que les années du règne d’Hassan II furent jalonnées de massacres. Celui du 23 mars 1965 contre la jeunesse révoltée de Casablanca. Celui de juin 1981 contre toute la population des quartiers pauvres de Casablanca, également révoltée. Celui de janvier 1984 contre le peuple de Marrakech et tout le peuple du Rif, de Nador à Ksar-el-Kébir, eux aussi révoltés, en passant par Alhuceïma en état d’insurrection. Ce peuple du Rif qu’il qualifia alors de “oubash” (“voyous”). »


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