«Zine li
fik» ou la réalité qui fait mal
Nabil Ayouch vient
de jeter un véritable pavé dans "la mare dormante " de la morale
dominante. Le film « Zine Li Fik »( Much Loved ) a
« scandalisé » plus d’un. Les « Cachez ce sein que je ne saurais
voir » sont « choqués ». Ils crient : au scandale ! Il
faut reconnaître que chacun de nous porte en lui l’âme de Tartuffe. Il est
vraiment immortel ce personnage de Molière.
De quoi s’agit-il ?
D’après ce que j’ai lu, d’après les extraits (vidéos)
que j’ai pus voir, le film met à nu, entre autres, une partie
« intime » de la société marocaine, société où l’hypocrisie règne en
maîtresse sans partage.
J’en ai déduit,
que le film a mis, publiquement, en relief :
-
La « vulgarité » du langage de la rue, des bars, des palaces,
des villas, des commissariats, des prisons, des casernes…langages utilisés avec
zèle par ceux qui dispersent un sit in pacifique.
-
Le commerce florissant du sexe et de la drogue. D’aucuns feignent
ignorer que c’est grâce à ce commerce (en grande partie) que nos
« réserves » en devises fortes se portent bien. Les pétrodollars des
orgies des émirs arabes et les euros des pédophiles occidentaux alimenentent les
caisses de plus d’un.
-
La débauche sans commune mesure, de ceux qui sont sensés
« protéger » les lieux saints du Moyen Orient
…et j’en passe.
Bien ! A ma connaissance,
le cinéma est désigné comme « 7ème art ».
Indiscutablement, c’est un art ; art enfanté par l’évolution de
l’Humanité, par le développement de la science et de la technologie. Il a
constitué une révolution. Une révolution continue dans le temps, conquérante dans
l’espace.
Je ne suis pas un critique du
cinéma. Mes adhésions aux « ciné-clubs » des années 60 sont
insuffisantes pour que je puisse porter un « jugement de valeur » sur
ce film. Malgré cela, je me permets de classer ce film dans ce qu’on appelle
« le réalisme critique » mélangé au « naturalisme ». Je
suis persuadé que le but de Nabil Ayouch n’est pas de proposer des
« alternatives », ni de donner des leçons à qui que ce soit. Ce sera
l’œuvre des éventuels engagés , qu’ils soient progressistes ou réactionnaires.
Pour mieux comprendre la société
marocaine dans sa complexité, l’Histoire fera de ce film une référence
incontournable.
A ma première lecture (pendant
les années 70) du « pain nu » de Mohamed Choukri, je fus pris d’un
léger malaise. Ils étaient beaucoup à être scandalisés. Le temps, l’évolution
des mentalités… ont fait de cet ouvrage une source d’inspiration, de critique,
un « rétroviseur » pour mieux voir une réalité de jadis.
Rappelons ici quelques écrits littéraire qui avaient choqué dans le
passé les « âmes sensibles » des classes conservatrices, écrits
devenus aujourd’hui œuvres littéraires de haute valeur, œuvres qui
« procurent » un bonheur aux
lectrices et aux lecteurs de toute la planète.
- « Madame Bovary de » Flaubert
- « L’amant de lady Chatterley » de D.H. Lawrence. (La publication
du livre a provoqué un scandale en raison des scènes explicites de relations sexuelles, de
son vocabulaire considéré comme grossier et du fait que les amants étaient un
homme de la classe ouvrière et une aristocrate. WIKIPEDIA)
-« Don Quichotte » de Miguel De
Cervante. (« C’est pourquoi don Quichotte
est véritablement scandaleux : voulant accomplir les grands mots creux qui
servent à la fois la bonne conscience et les mauvaises actions de tous, il crée
une situation proprement impossible qui force le monde à avouer sa tricherie.
Ainsi la fausseté de
don Quichotte contribue finalement à la vérité, puisqu’elle démasque
l’imposture primordiale de toute société policée; mais sous la façade de
culture et d’idéologie qui dissimule ses mobiles intéressés, le monde de son
côté n’a pas tout à fait tort puisqu’il met à nu l’infantilisme et
l’impuissance de l’individu insoumis, fanatisé par son propre rêve d’absolu. En
face du monde discordant dont il prend au mot l’idéal de parade, don Quichotte
fait assurément figure d’inspiré… Par Marthe Robert ».
- « Le Père Goriot » de Honoré Balzac
- « Germinal » d’Emil Zola
…et ce , sans parler
des « épopées » de Kaïs oua Leila, de Jamal oua Boutaïna…chez les
arabes, de Tislit et Isli chez lea amizighs d’Imilchil,
« aventures/mésaventures », aujourd’hui, racontées avec « nostalgie » et
admiration par plus d’un.
يقولون : جاهد يا جميل بــــــــــغزوة
و أي جهاد غيرهن أريـــــــــــــــــــد ؟
لكل حديث بينهن بشــــــاشــــــــــــة
و كل قتيل عندهن شهيــــــــــــــــــــــد
ِCes
vers qui avaient scandalisé dans le
passé lointain les couches sociales semi féodales dominantes, ont
été réhabilités dans l’enseignement au cours des années 60 et 70 (années de
lumière au Maroc, culturellement parlant), sont aujourd’hui rejetés dans les « oubliettes »
, le règne de l’obscurantisme oblige.
Rappelons aussi les difficultés qu’avaient rencontrées Charly Chapelain aux USA au lendemain de la sortie de son superbe film « Les temps modernes », film qui avait scandalisé les industriels américains par sa critique acerbe du Taylorisme.
Rappelons aussi les difficultés qu’avaient rencontrées Charly Chapelain aux USA au lendemain de la sortie de son superbe film « Les temps modernes », film qui avait scandalisé les industriels américains par sa critique acerbe du Taylorisme.
En conclusion : osons-nous
nous regarder dans le miroir de l’art, même si la réalité nous choque. Le
commerce du sexe et de la drogue, la débauche régnante dans les hautes sphères
de notre société, l’hypocrisie sociale dominante…font, malheureusement, partie
de notre « identité nationale ». Tant qu’il y aura de la misère,
de l’analphabétisme, de la tyrannie politique… cette amère réalité ne fera que
s’aggraver.
Chapeau bas Monsieur
Nabil Ayouch ! Vous avez mis le doigt là où il faut. Les sociétés
n’évoluent vite que par des « coups d’éclat ».
Ali Fkir, le 30 mai 2015
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