lundi 4 mai 2020

A. ZEROUAL ET A.SERFATY 10 Septembre 1971(en fr)

  Pour l'Histoire.
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LES CONTRADICTIONS DE L’ENNEMI

ET LA PERSPECTIVE REVOULUTIONNAIRE AU MAROC

Organisation Marxiste – léniniste IlalAmam

ABDELATIF ZEROUAL  ET ABRAHAM SERFATY
10 Septembre 1971



L'analyse par le courant révolutionnaire marocain se réclamant du marxisme-léninisme des contradictions au sein de l'ennemi est restée jusqu'à présent marquée de subjectivisme petit bourgeois. Une première tendance consistait à situer la nature du pouvoir comme celui d'une clique militaro-policière groupée autour de la monarchie, la bourgeoisie d'affaires participant au pouvoir àune place seconde dans les domaines de la gestion économique du pays.
Une deuxième tendance qui s'est manifestée après le 10 juillet 1971 tendait au contraire à situer cette bourgeoisie d'affaires au centre du pouvoir et à situer 1'appareil dirigeant de 1'armée en marge du pouvoir.
Ces tendances procédaient, en plus de subjectivisme petit bourgeois que seule la pratique révolutionnaire permet d'effacer, d'une analyse superficielle de la structure de classe de l'ennemi; marquée d'ailleurs par le terne vague, à souhait, d’oligarchie" compradore.
Enfin, ces différentes tendances négligeaient l'une et l'autre le développement des contradictions inter impérialistes dues à l'accélération de la crise générale de l'impérialisme, de même qu'elles ne tenaient pas compte de la modification de la stratégie de l'impérialisme américain dans le cadre de la collusion do l'impérialisme et du socialimpérialisme contre le mouvement révolutionnaire mondial.
La présente analyse s'efforce de poser les éléments de réflexion nécessaires à une meilleure approche des contradictions au sein de l'ennemi, contradictions qui sont apparues avec encore plus d'éclat le 16 août 1972, cela en vue de mieux situer la perspective révolutionnaire.

I-   LA CLASSE AU POUVOIR : STRUCTURE BIPOLAIRE DE LA CLASSE MAKHZEN ET SON CIMENT MONARCHIQUE

La classe au pouvoir s'est structurée historiquement dans le processus qui., à partir de la décadence mérinide et de façon cohérente sous la dynastie alaouite, a organisé le makhzen comme appareil d'exploitation des structures communautaires paysannes organisées en qbila (dans le texte français, nous conservons le terme qbila, celle-ci s'étant différenciée historiquement du contenu ethnique, que conserve en français la terme tribu, et représente fondamentalement une symbiose entre la communauté paysanne et la terre qui lui correspond) . Cette classe makhzen s'est structurée sur deux couches, sociales principales plus ou moins, interpénétrées : la bourgeoisie makhzen mercantile, bureaucrate, propriétaire foncier absentéiste à partir des villes principales et assumant avec les oulama la fonction idéologue centrale ; les mandataires (nous proposons ce terne au lieu de celui généralement utilisé de féodaux qui ne correspond pas à la réalité historique du Maroc, ou de celui de Iqta's utilisé par Laroui et d'autres auteurs et qui correspond à l'un des aspects de cette couche sociale) chargées d'exercer sur les qbila's pour le conpte du pouvoir central et à leur propre conpte les prélèvements fiscaux et le drainage des produits agricoles destinés à l'exportation, ces mandataires étant constitués par intégration à l'appareil makhzen des notables émergeant des communautés paysannes soit par le processus religieux (chorfa), soit par le processus social (caïds et amghars) et étant appuyés par l'appareil militaire central du makhzen. Cette structure bipolaire reposait sur le principe unificateur de  la monarchie et notamment sur la force mystificatrice du principe de "l'imam".
Ce principe s'est vu renforcé, dans la période historique clé structuration de la classe makhzen, par l'émergence des dynasties chrétiennes. Cependant, le principe même de l'électivité de l'imam au sein de cette dynastie par les oulama et par l'ensemble des "corps constitués", c'estàdire l'ensemble des représentants de la classe makhzen, illustre bien la solidarité, de fait comme juridique, entre la monarchie et l'ensemble de la classe makhzen dont elle était à la fois l'émanation et l'arbitre. En définitive, c'est la lutte de classes entre les qbila's, communautés paysannes armées, et la classe makhzen qui sous-tend l'histoire de l'Occident arabe, de la décadence mérinide au pouvoir colonial.

II-  LUTTES DE CLASSES QBIIA'S CLASSE MAKHZEN

La structure même de la société maghrébine opposant à la classe makhzen le pouvoir de résistance des qbila's, communautés paysannes armées, conduisait cette classe makhzen à s'appuyer sur le capitalisme européen ascendant, notamment par la concession à celui-ci de monopoles du commerce extérieur.
Cette classe makhzen était donc, dès les premières phases de sa structuration, d'essence compradore. (Par exemple, ARRachid, premier sultan alaouite, a bénéficié, pour assurer son pouvoir, de l'appui de la France en échange du monopole commercial à l'Oued Badis, débouchéméditerranéen de Fès. Ce sont les qbila'sriffaines qui en définitive feront obstacles à ce monopole).
Donc, dès cette période, la lutte de classes qbila' - classe makhzen était aussi une lutte nationale, les qbila's s'étant structurées dans la communauté nationale arabe grâce à la symbiose socioculturelle araboberbère. Ici, on peut noter :
a) combien est fausse et dépourvue de toute base sérieuse une prétendue opposition ethnique arabe-berbère
b) les structures communautaires berbères ont intégré l'apport de l'idéologie islamique et de la culture arabe dans ce qu'elles contenaient comme idéologie et culture permettant le dépassement des limites des structures communautaires primitives et par là même la consolidation de leur essence communautaire. Les liens culturels, idéologiques et économiques qui se sont développés ont ainsi intégré le Maghreb à la construction de la nation arabe
c) cependant, cette construction s'est faite et ne pouvait à l'époque se faire qu'à travers le développement do classes dominantes à base théocratique et mercantile, que nous désignerons provisoirement et faute d'analyse historique plus poussée sous le terme d'"oligarchies théocratiquesmercantiles au pluriel, au sens même où, dès que les principes unificateurs etégalitaires de la société communautaire araboislamique ont été transformés en leur contraire par la structuration de ces classes dominantes, l'unité politique de la nation arabe s'est rompue en autant de domaines d'influence.
Cette "mystification" de la société communautaire araboislamique sous l'égide de ces oligarchies et sa transformation en société de classes opposant à ces oligarchies les structures communautaires paysannes, ont entraîné l'instabilité de ces oligarchies et, progressivement, la diminution relative de la capacité militaire et économique de la société arabe face au mercantilisme européen fondé sur une féodalité (au sens strict du terme) disposant d'un pouvoir supérieur d'accumulation dû lui même à la moindre capacité de résistance du paysan européen réduit au servage.
Cela explique pour le Maghreb le passage des dynasties temporaires mais porteuses dans leurs phases initiales du dynamisme profond de la société communautaire arabeberbère à la décadence structurelle, sous l'égide d'une classe makhzen qui dut l'essentiel de sa stabilité à l'alliance compradore avec le capitalisme préimpérialiste
d) au niveau de ces oligarchies théocratiquesmercantiles dans leurs phases décadentes, et au ai veau delà classe makhzen, la  culture arabe et 1'idéologie islamique étaient exprimées comme instrument idéologique d'exploitation des structures communautaires paysannes.
Un exemple caractéristique est le processus par lequel le mouvement soufi qui cimenta la lutte nationale des qbila's contre les premières générations coloniales des quinzième -seizième siècles fut transformé par le pouvoir alaouite en son contraire par la domestication des confréries.
Le principe de l'imam, la fixation et la sclérose du dogme, la domestication des confréries, le rôle vigilant des oulama, l'asservissement de la femme, l'évolution de la culture dite "andalouse" présentée comme culture d'élite vers la préciosité et le mandarinat, sont autant de manifestations de la culture de classe dominante et de sa décadence. A l'opposé, la culture des qbila's n'a cesséd'être vivante par l'immanentisme sous-jacent du "tassawuf", par la vie communautaire et la démocratie des jma'as, par l'immense richesse de la diversité de la musique, du théâtre et des arts du peuple, par le rôle effectif de la femme dans la vie sociale de la communauté et dans son autodéfense.
Ainsi, l'opposition présentée comme ethnique par les historiens de la colonisation, était une opposition profonde, vivante, entre doux cultures de classe, la culture des qbila's et la culture de la classe makhzen.
Mais c'était la culture des qbila's qui représentait, face à une classe glissant de plus en plus vers la collusion avec le capitalisme européen, la culture nationale arabe.
Cependant, la lutte des classes des qbila's, faute d'une classe unificatrice qui sera le prolétariat, restait dispersée et sujette aux influences idéologiques de la classe makhzen.

III- RÉSISTANCE DES QBILA'S 
A LA PÉNÉTRATION COLONIALE

Le passage à la colonisation directe, fruit de la transformation du capitalisme en impérialisme, passage qui s'est fait avec la collaboration de la classe makhzen, a entraîné par la suite le développement des contradictions au sein de la classe makhzen. La colonisation impérialiste s'est associée aux mandataires (grands caïds et chefs de confréries) pour en renforcer le pouvoir d'exploitation sur les qbila's, transformer les mandataires en véritables féodaux, et entreprendre le processus de prolétarisation et de dislocation de ces qbila's. En revanche, la pénétration des circuits industriels et commerciaux de 1'impérialisme, la mainmise par celui-ci sur les canaux internes de drainage des ressources agricoles du pays (sans parler des ressources minières) ont heurté directement les intérêts de la bourgeoisie mercantile, non seulement petite et moyenne bourgeoisie, que l'on peur grouper sous le terme de bourgeoisie nationale, mais aussi de la bourgeoisie makhzen ou grande bourgeoisie.
Ainsi, alors que les qbila's menèrent seules pendant vingt-cinq ans la lutte de résistance armée à la pénétration militaire impérialiste, à partir des années 30, la bourgeoisie, dans un mouvement où ne se différenciaient pas la petite et la moyenne bourgeoisie de la bourgeoisie makhzen se constitua en direction politique du mouvement national.
Lorsque ce mouvement atteignit une ampleur qui mettait en cause le structure même du protectorat, à partir de 1944, la monarchie, sous l'égide de Mahomed V, prit l'option stratégique qui sauvegarderait l'avenir de la classe makhzen en se rangeant aux côtés du mouvement national. Les tentatives du colonialisme de dissocier les qbila's du mouvement national dirigé par la bourgeoisie en utilisant notamment les "grands caïds" et en essayant de transformer l'antagonisme qbila'sclasse makhzen en antagonisme berbère-arabe furent d'autant plus vouées à l'échec que les qbila's reconnaissaient en ces grands caïds leurs exploiteurs directs et que le soubassement social et culturel de la résistance des qbila's à la classe makhzen était en même temps une lutte, pour leur terre, leur personnalité communautaire, et une lutte pour leur personnalité nationale arabe.

IV-  L'ALLIANCE STRATÉGIQUE CLASSE MAKHZEN IMPÉ RIALISME. LE DÉTOURNEMENT DE LA LUTTE DE LIBÉRATION NATIONALE.

Cependant, le développement de cette lutte nationale contenait une ambiguïté fondamentale que l'impérialisme sut mettre à profit pour s'assumer un repli stratégique lorsque la lutte des masses populaires, prolétariat et semi-prolétariat des villes organisées en résistance armée, qbila's organisée en Armée de Libération, prit un contenu de plus en plus populaire et révolutionnaire àtravers des formes de lutte où la violence révolutionnaire des masses s'élevait de façon accélérée. La participation de la bourgeoisie makhzen et de la monarchie au mouvement national avait fait ressurgir tout le fond idéologique mystificateur du principe de l'imam, qui s'était cristallisé avec une force exceptionnelle sur la personne de Mohammed V (d'où le sens le l'aman accordé par Mohammed V au Glaoui).
La direction politique de la bourgeoisie, qui correspondait à un amalgame de la bourgeoisie nationale, petite et moyenne, et de la bourgeoisie makhzen (qui joua en fait le rôle de cheval de Troie de la classe makhzen), participa à cette stratégie, ce qui contribua à la démobilisation des masses populaires et permit à la classe makhzen qui constituait, avec l'appui de l'impérialisme, son appareil policier et militaire, de démanteler par l'assassinat et les opérations de ses premières brigades spéciales, la structure de lutte de la Résistance arabe des villes, et dans un deuxième temps, d'isoler, de démobiliser puis d'intégrer l'Armée de Libération.
En quelques années, la classe makhzen qui avait retrouvé son unité sous l'égide de la monarchie, forte ainsi du prestige de Mohammed V, et avec l'appui de l'impérialisme, profitant de l'opportunisme et de l'absence de stratégie de la bourgeoisie nationale qui démobilisait ainsi les masses populaires, écrase également les mouvements de révoltes spontanés qui opposaient dans diverses régions du pays celles des qbila's qui, ayant consenti le plus de sacrifices dans la lutte contre 1'impérialisme s'opposaient au détournement des fruits de la lutte.
Ce fut le cas de l'écrasement dans le sang, sous la conduite personnelle de Hassan, alors prince héritier, et de Oufkir, de l'insurrection des qbila's rif faines, écrasement sanglant mené sous la double caution de Mohammed V et du gouvernement Abdallah Ibrahim.
De même la monarchie ayant pu faire arrêter le combat de libération nationale des Aït Ba Amrane dirigé par l'Armée de Libération et sauver ainsi l’impérialisme espagnol d'un honteux rejet à la mer d'Ifni. Cela fait, la coalition impérialisme classe makhzennien se débarrassèrent facilement des politiciens de la bourgeoisie nationale qui avaient cautionné ces différentes opérations.

V-  HÉGÉMONIE DE LA COALITION CLASSE MAKHZEN IMPÉRIALISME

La structure nouvelle de la coalition classe makhzenimpérialisme et la nouvelle stratégie de 1'impérialisme français, si elle avait été imposée par la croissance de la lutte de libération nationale des nasses populaires marocaines, correspondait également à l'emprise dominante au sein de 1'impérialisme français des banques d'affaires au détriment du vieux capitalisme concurrentiel et colonisateur. L'exploitation néocoloniale s'est donc développée à un rythme jamais atteint grâce à la collaboration intime entre la classe makhzen et les banques d'affaires françaises, dans le cadre de  laquelle s'est opéré le transfert à la classe makhzen de la propriété coloniale et 1'interpénétration des deux partenaires dans les circuits industriels, financiers et du commerce extérieur.
A cette exploitation accrue du pays en symbiose avec le capital étranger, les deux parties composantes de la classe makhzen ont également contribué, sous l'égide de la monarchie qui s'en est assuré une part directe de plus en plus prépondérante. Toutes deux ont bénéficié du transfert des terres coloniales et de la prolétarisation désormais sans limites des anciennes qbila's, les anciennes communautés paysannes étant réduites à l'état de paysans sans terre, d'ouvriers agricoles et de paysans pauvres, quand ce n'est pas de ceux contraints à espérer une subsistance aléatoire dans les bidonvilles des cités.
Cependant, se sont maintenues canne forme d'autodéfense culturelle et politique les anciennes structures c'en jma'as, comme cela est nettement apparu dans les luttes paysannes depuis trois ans, et en particulier aux Oulad Khalifa. S'il y a eu une relative division du travail entre les deux parties composantes de la classe makhzen, au sein de l'appareil d'Etat, due à leurs origines même (les anciens officiers de l'Armée Française ou Espagnole, issus des grands caïds, devenant lesofficiers généraux et supérieurs de l'armée, l'ancienne bourgeoisie makhzen devenant la bourgeoisie bureaucratique et d'affaires), cette division a été toute relative et l'on trouve des fils de l'ancienne bourgeoisie makhzen au sein de l'armée et des fils de l'ancienne "féodalité" dans les milieux d'affaires (ce n'est pas par hasard que Mohammed V, qui pouvait se permettre une meilleure vue stratégique des intérêts de la classe makhzen que son fils, avait fait affecter la totalité des bacheliers de l'indépendance, issus essentiellement de la moyenne et grande bourgeoisie, au cadre des officiers de la nouvelle armée). En fait, les années soixante ont vu l'âge d'or de cette classe makhzen et une lune de miel sans nuages entre ses parties composantes et avec les banques d'affaires françaises (aux moments les plus graves de l'affaire Ben Barka, la participation d'un oufkir aux bonnes affaires traitées avec ces milieux ne s'est jamais ralentie).

VI- DÉSTRUCTURATION DE LA BOURGEOISIE NATIONALE

Dans cette même période, la structure socioéconomique de la bourgeoisie nationale a été soumise àun double processus de désarticulation et d'intégration : désarticulation économique par tous les moyens conjugués de l'association capital étranger bourgeoisie makhzen et de l'utilisation de l'appareil d'État ; intégration dans cet appareil d'État lui-même se glorifiant directement et indirectement chaque année davantage de fonctionnaires, d'employés et de cadres des offices d'État, de conseillers municipaux et communaux, de députés, de policiers, de militaires ; Intégration également par l'emprise de plus en plus complète de la classe makhzen et à travers elle de la monarchie sur l'ensemble des circuits économiques du pays. De fait, s'il n'y a pas d'entrepreneurs marocains, c'est qu'il ne peut y avoir que des mandataires. L'appétit sans limites de la monarchie, son ambition de transformer tout le Maroc en propriété personnelle, sa volonté de réduire effectivement les tenants même de la classe makhzen et à plus forte raison de la moyenne bourgeoisie au statut de mandataire et à l'asservissement moral, son propre asservissement culturel aux formes les plus décadentes de la culture impérialiste française et occidentale, conduit par la même l'ensemble de la vie socio économique du pays à passer sous l'emprise de l'appareil de gangstérisme constitué par les hommes de main de la monarchie.
Dans cette phase où rien apparemment ne pouvait s'opposer à l'appareil de terreur et de racket de la monarchie, la direction politique de la bourgeoisie nationale, privée d'assises, dépourvue d'avenir, s'est décomposée sous les contorsions successives auxquelles l'ont amenée les manœuvres et les manipulations de la classe makhzen.
De leur côté, les bureaucrates syndicaux issus de l'appareil politique de la bourgeoisie nationale ont pu pendant une dizaine d'années neutraliser la classe ouvrière pour la livrer ainsi pieds et poings liés à l'arbitraire patronal et gouvernemental. Pendant cette même période de 1955 à 1970, à1'arrièreplan, il n'y avait pas de contradiction sensible entre impérialisme américain et impérialisme français pour les problèmes concernant le Maroc. La stratégie de l'impérialisme américain étant, au niveaupolitico-militaire, d'assurer la stabilité du système mondial de l'impérialisme, au niveauéconomique pour cette région du monde, d'étendre son contrôle indirect à travers la mainmise  croissante sur les mines européennes sauf directement pour les ressources minérales stratégiques et principalement le pétrole. Là encore, ce partage des responsabilités inter impérialistes a fonctionnécorrectement pendant cette période. On le voit bien par la fin de non-recevoir exprimée en 1966 par le gouvernement américain à Hassan lors de ses difficultés diplomatiques passagères avec la France.

VII- UN RÉGIME EN DÉCOMPOSITION

Cependant, le fait même que la classe makhzen, et à sa tête la monarchie, ait cru, par le démantèlement des organisations de lutte des masses populaires après l'indépendance, par la décomposition politique de la bourgeoisie nationale, par la complicité de la bureaucratie syndicale, par l'appui assuré de l'impérialisme, ne pouvant plus trouver de limites à son brigandage, au pillage systématique et organisé du pays, à la prolétarisation des masses paysannes, au vol des terres, au vol tout court, systématique et organisé, sur l'ensemble des circuits économiques du pays à la mainmise et à 1'étouffèrent de toute initiative  économique, à la soumission de la classe ouvrière à arbitraire patronal et à la répression policière, à la condamnation de la jeunesse à une vie sans espoir et à l'écrasement culturel, au règne des gangs et des tortionnaires, à la pourriture, au luxe et au scandale, toute cette décomposition a creusé à la classe makhzen, et en premier à la monarchie, une tombe béante de boue, de sang et de haine.
Cela d'autant plus que la politique même de Hassan pour éliminer au sein de celte classe makhzen toute contestation personnelle de ceux qui pouvaient s'alarmer de cette décomposition l'amène à humilier les uns par les autres, à promouvoir les colonels gangsters comme: Dlimi et les généraux d'opérette comme Moulay Hafid, à s'appuyer sur les
Commis avoués du grand capital français, comme Karim Laamrani, à s’entourer ouvertement et àcompter d'abord sur les agents mêmes du capital français, à vouer au mépris la culture nationale et la révolution arabe, à s'entendre avec le sionisme et ses agents, à ne plus compter au Maroc que sur ses gangs tortionnaires, à s'enfoncer chaque jour davantage dans la boue et le sang.
Toute la structure d'encadrement de l'économie néocoloniale par l'appareil bureaucratique dépendant de la classe makhzen et de ses associés impérialistes français est mise en cause par une telle poussée. Ce sont donc à la fois l'appareil affairiste et technocrate de; la classe makhzen et l'ensemble des intérêts au Maroc de l'impérialisme français qui sont menacés dans leur fondement par la revendication de l'arabisation, par le poids grandissant au Maroc de l'idéologie de la révolution arabe.

     ABDELATIF ZEROUAL  ET B,SERFATY
                                10 Septembre 1971


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