«Réveillonner» au cœur de l’Atlas
«Réveillonner»
au cœur de l’Atlas
C’était mercredi 31
décembre 2014. A 10 heures, fin de séance, je souhaitai les bonnes fêtes aux
musulmans (aïd mouloud), aux chrétiens (fêtes de noël…), aux amazighs (l’arrivée
bientôt de la nouvelle année amazighe), tout en demandant aux non pratiquants
de partager les joies des autres dans le respect mutuel. J’ai de la chance,
toutes ces croyances coexistent dans mes classes. Un étudiant de nationalité
congolaise voulut discuter avec moi pourquoi j’ai écrit dans mon livre « le
petit berger qui devint communiste ») : l’endettement fait perdre aux
personnes, aux Etats une partie de leur indépendance. Je répondis : « après
les vacances. Je suis pressé.»
A 10h15 j’arrivai à la
maison. Ma compagne /camarade m’attendait. Tout était prêt pour prendre la
route du Moyen Atlas. Il fallait fuir la pollution, le bruit et autres
désagréments de la ville.
Les sociétés de la SAMIR, de
la SNEP, de «’ Usine des os » (comme l’appellent les victimes du
coin), de la centrale thermique de l’ONE (qui utilise quotidiennement des
dizaines de tonnes de fuel, de charbon et autres résidus nocifs de l’industrie
américaine…), ont fait de Mohammedia la ville la plus polluée du Maroc.
Il fallait aller respirer de l’air sain
ailleurs. Réveillonner à notre façon dans la splendide nature, Se reposer, se
laisser aller dans les bras de cette généreuse génitrice qui est la nature.
A 500 mètres d’El Hajeb,
on s’arrêta, On mangea/savoura de la rfissa.
El Hajeb ! Des souvenirs resurgissent
pour la nième fois : le colonel Ababou et la caserne d’à côté où j’avais
failli passer une partie de ma vie, Ababou a été tué au cours de la tentative
du coup d’Etat du 10 juillet 1971 qu’il avait dirigée contre le tyran Hassan II.
l’adjudant Amrach(arrêté en mars 1973) avec qui j’ai partagé les taules du
régime, Afekkouh, arrêté en 1973 au palais royal de Fès et avec qui j’ai
partagé aussi les taules du régime…Ils ne font plus partie des vivants, mais
ils resteront immortels.
El Hajeb ! C’est
aussi (jadis) quelques moments de détente au cours des années soixante. Après
8h de math, 6 de physique-chimie et 4 h de dessin industriel, nous autres
jeunes élèves du Lycée Moulay Ismaïl, nous nous déplacions souvent à El Hajeb
pour nous oublier dans les bras de braves filles que la misère avait jeté dans « le
plus ancien des métiers de l’humanité». Il n’y a aucune honte à se
rappeler ces moments. Personne n’est saint. Seuls les naïfs et autres imbéciles
croient le contraire.
On arriva à Ifrane. On y passe la nuit. Tête à
tête. Pas de réveillon bien sûr. On était là pour passer lune nuit paisible, loin
de l’interminable « brouhaha » de la ville.
Le premier janvier de la
nouvelle année, 2015, nous prîmes tôt la route des Sources d’Oum Errabiâ. Pour
y arriver, il fallait passer par Azrou. Autres souvenirs : cellule clandestine
d’ILAL AMAM, l’organisation marxiste léniniste marocaine, des noms tels Moussaoui,
hsaïn, El Hamdaoui, Hilal abderrazzak et tant d’autres…nous traversâmes Aïn
Ellouh. Nous choisîmes de prendre une route secondaire, nous engouffrer dans la
forêt et surtout voir de très prêt les conditions où vivent les marginalisés,
les délaissés pour compte, les victimes de l’Etat makhzenien.
Là-bas on ne parle que tamazight. Depuis ElHajeb,
je ne communiquai à 80% qu’en tamazight. Les marocains doivent communiquer dans
la langue de la région. Je retrouve aisément ma langue maternelle/paternelle.
Il y a des années que je ne suis pas passé
par cette route secondaire en mauvais état. La route nationale Fès,- Marrakech
qui passe par Ifrane, Azrou, Khénifra et Beni Mellal est mieux entretenue (en
encore !).
J’ai constaté avec stupeur, la dégradation des
conditions de vie de gens de la région.
Les gens agonisent sous le poids de la
misère. La famine cause des ravages. Dans le froid glacial, des enfants (surtout
des fillettes), grelottant de froid, tendent leurs mains à la recherche de
miettes que voudraient bien leur donner les passants.
Des « universitaires »,
des « artistes », des « militantes féministes », des « adeptes
de l’INDH » et autres « âmes charitables » organisent de temps à
autres des « caravanes de solidarité » pour aller « distribuer »
des articles de pacotille et autres fringues usés. Tout ce type d’opération de « tranquilisants »
se fait avec la bénédiction des potentats qui se la coulent douce dans les
quartiers chics des villes. Les services du ministère de l’intérieur et les « élus
locaux » (élus ? hhhh) sont là pour empêcher toute opération de
sensibilisation quant aux causes profondes de cette désolation.
Dans le passé, le chien est là pour empêcher
des intrus d’approcher la tente. Aujourd’hui nous avons assisté à des scènes
inimaginables. On s’arrêta à côté d’une « maisonnette » isolée. Le chien arriva, ma compagne a eu peur, moi je
restai sur mes gardes. Le cabot s’approcha se coucha sur le dos et fit « vibrer »
la queue. Je l’ai compris. Il nous disait : paix avec vous ! je suis
pacifique, je meurs de faim. Il bouffa la moitié de la galette de pain qu’on a,
en plus deux morceaux de la « mascouta » que la camarade avait
préparée. Les fruits qu’on avait et autres morceaux de la mascouta furent distribués
aux
Maigrichons gamins qui sont condamnés à errer
le long des routes en quête de miettes.
Nous
avons fait ce geste tout en sachant que la solution consiste à lutter pour
changer les fondements du pays. Les déshérités n’ont pas besoin de « tranquillisant s».
Le pays n’a pas besoin d’aspirine mais d’une véritable opération chirurgicale.
Seule la révolution pourra faire retrouver aux millions de marocains leurs
droits en général et leur dignité en particulier.
Au cours du 20ème siècle, la grande
région de Khénifra a été victime de l’invasion française, de la sauvage répression
du régime sanguinaire de Hassan II en 1973, de l’étouffement/razzia des semis-féodaux
amazighs : les imhzanes, les imhrags , des sbires d’Ahardane… et autres
piliers du palais dans la région.
Les habitants de la région sont connus pour
leur bravoure. Rappelons la bataille d’Elhri en 1914, la résistance des
milliers des victimes de la répression de 1973, la résistance que mène
actuellement les militant-es de l’AMDH et des forces progressistes à Khénifra, M’rirt, Azrou…
Aux sources d’Oum R’biâ, des jeunes
enchômagés, des mères de familles, des enfants sont là dans l’attente de la « charité »
des « bienfaisants ».
La nature est extraordinaire, mais la
désolation « humaine » nous empêcha de la contempler avec joie, de la
savourer. Nous achetions deux CD amazighs et revenions à Ifrane par la route
nationale,passant par M’rirt.
J’ai visité ce dernier
mois 6 bidonvilles dans la région de Mohammedia, cette semaine j’ai l’occasion
de voir une partie du Moyen Atlas. La désolation est la même. Les déshérités
pataugent dans l’océan de la misère, de la pauvreté, de l’ignorance. Le responsable
est commun. Le makhzen, ses piliers
sociaux, les politicards et syndicats monarchistes, et autres corrompus de tous
poils.
Je tiens à redire à mes
amis progressistes que le sentier de la libération ne passe en aucun cas par
les institutions makhzenienne. Miser sur les mascarades électorales ou les
cautionner par la participation est un suicide politique.
Je tiens à rappeler à
certains « amazighistes », qu’Ahardane, les semi féodaux des régions
amazighes et autres notables locaux ont toujours voté « oui » aux constitutions
du palais qui ignoraient complètement les droits fondamentaux de la langue et
de la culture amzighes. Ils ont contribué activement aux politiques de
marginalisation dont sont victimes de nombreuses régions du pays, où l’on parle
aussi bien arabe que tamazight. C’est une question de classe. Les bourgeois de
Fès, de Souss, de l’Atlas, de Tanger… ont toujours applaudi sans réserve les
décisions/discours des rois.
Je tiens à rappeler que
les communistes marocains, en tête les militants d’ILAL AMAM, sont les premiers
à défendre la juste cause de tamazight.
Je suis fier d’être africain, amazigh, arabe
et internationaliste
Ali Fkir, le 3 janvier 2015
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