Sur la route de Beni Tadjit
Il n'y a pas une vie citadine et une autre campagnarde. Il y a des vies ici et là. La réalité est plurielle. C'est une question de classes sociales. Il y a ceux qui cultivent, qui produisent et les oisifs qui bouffent et amassent des fortunes. L'Etat makhzenien est là pour assurer "l'ordre", la "pérennité" des choses et ce, en essayant d'étouffer dans l'oeuf tout esprit de remise en cause de l'ordre imposé par les armes et la mosquée. La colonisation de l'Amérique a été réussie grâce à la baïonnette et à l'église. L'exploitation de la religion à des fins politico-économiques ne date pas d'aujourd'hui.
Bref! passons!
A l'occasion de l'aïd, j'ai pris la route de Beni Tadjit, patelin où j'ai vu le jour. "JE", pour ne parler que de moi.
Je devrais être au bled le lendemain de l'aïd. J'ai toujours évité d'assister aux rituels qui trouvent leurs explications dans un contexte où n'existaient pas de bouchers, où les gens égorgeaient les animaux pour conserver la viande, grâce au sel et au soleil, pour en manger toute (ou presque) l'année. Les délicieux "courdasse et gueddide" sont là pour en témoigner.
JE prends la route tôt le matin de l'aïd. L'escale à Midelt fait partie de mon "habitude". J'y passe une paisible nuit. Sans méchoui ni boulfaf. Midelt, la délaissée, la "vagabonde" d'hier, surtout depuis mars 1973, car Imilchil n'est pas loin. Imilchil où des gens à "sandales" (ils étaient désignés ainsi par la direction de l'USFP qui les avaient "répudiés"), avaient pris part à la rébellion armée contre Hassan II le tyran.
Aujourd'hui, Midelt a retrouvé une partie de sa beauté (de façade), un sourire forcé, et ce, depuis qu'elle a été promue province. Depuis que le gouverneur, est là en tant que représentant du makhzen. Le gouverneur ( comme dans le vieux temps des seigneuries) est le véritable patron de la région. Les "élus"? hhhh Des petites marionnettes qui gesticulent sous ses ordres.
Le lendemain d'al aïd je reprends la route de Beni Tadjit. La route reste "RN", praticable, jusqu'à Aït Khoujmane, à une quinzaine de km du sinistre bagne de Tazmamart. Après quelques km de Tazmamart, de la Kasbah de Addi Ou Bihi, de Kerrandou (ancien centre d'exil des nationalistes), JE me suis retrouvé dans une autre réalité. Je me suis retrouvé dans le Maroc oublié, dans le Maroc, marginalisé, dans le Maroc exclu. C'est l'équivalent des bidonvilles de Mohammedia.
La route devient impraticable, sur une distance de 60 à 70 km.
Le gouverneur de Bouarfa ne passe pas par là, idem pour pour celui de Midelt. Aucun ministre ne met ses pieds dans la région. Gourrama, Beni Tadjit, Talsint...n'existent pas pour eux.
Après des heures de supplice, J'arrive à Beni Tadjit pour retrouver les gens accueillants, nobles, modestes, souriant malgré la misère. J'ai passé d'agréables moments avec les miens.
Les gens souffrent en silence. Politiquement, ils ne sont pas actifs, mais personne de ma grande famille n'a mis ses pieds dans les isoloirs du makhzen le 4 septembre 2015. Des gens du makhzen ont demandé à certains: pourquoi les aït FKIR n'ont pas voté. La réponse est resté vague au tour de "à quoi ça sert?".
Quand viendra-t-il le jour où TOUS les marocains, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, "campagnards et citadins", puissent jouir de leur dignité, de leur liberté, de leurs droits de citoyenneté?
Ce jour ne viendra pas tant que nous misions sur le makhzen et ses institutions. Les peuples restent les "faiseurs" de leur Histoire. Mais un peuple soumis ne peut être que stérile.
Tant qu'un peuple reste soumis, la stérilité l'emporte sur la procréation.
Ali Fkir, le 26 septembre 2015
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